Il y a un travail d’évangélisation à faire sur la stabilisation éco-sélective

Rémy Di Costanzo, domaines Henri Martin

« Il y a un travail d’évangélisation à faire sur la stabilisation éco-sélective »

Grâce à Gemstab, notre partenaire en prestation de services sur nos technologies membranaires, le directeur des vignobles Henri Martin utilise notre méthode depuis 2013 pour stabiliser certains des vins issus de propriétés en Saint-Julien et Haut-Médoc. Pour mieux évaluer l’intérêt de la SES, il a mis en place un suivi au long cours des vins traités.

 

Faisons connaissance : qui est Henri Martin et qui est Rémi Di Costanzo ?

Henri, c’est le fondateur des Domaines. Un passionné issu d’une famille présente dans le Médoc depuis trois siècles. Il a créé parcelle par parcelle le Château Gloria au sein des crus classés de Saint-Julien. Puis il acquis et reconstitué le parcellaire originel du Château Saint-Pierre, un Grand cru classé de Saint-Julien. Les Domaines possèdent aussi un cru bourgeois supérieur du Haut-Médoc, le Château Bel Air Gloria. L’ensemble couvre aujourd’hui 107 hectares, pour une production de 500 à 600 000 bouteilles.
Et moi, Rémi, je suis le directeur des vignobles. Je dirige une équipe de 45 personnes à l’année, sans compter les saisonniers.

 

Parlez-nous de votre engagement environnemental…

Respecter les équilibres naturels, le végétal, le sol, la biodiversité, c’est un ensemble d’engagements que l’on fait progresser de notre mieux. La gestion environnementale des Domaines est certifiée ISO 14001 depuis 5 ans, et l’exploitation est certifiée Haute valeur environnementale (niveau 3). Ça c’est le côté normatif, mais il y a aussi du volontarisme. Nous travaillons 10 hectares en bio sans certification depuis 7 ans, et nous avons banni les produits avec agents CMR sur l’ensemble des Domaines pour généraliser le biocontrôle. Notre vignoble est très morcelé, cela demande une organisation et du matériel pour être réactif dans la conduite. Une année comme 2020, c’est très compliqué… Mais on y arrive.

 

La stabilisation éco-sélective, vous l’utilisez comment ?

Nous faisons intervenir les équipes de Gemstab pour le château Bel Air Gloria et sur les seconds vins (Esprit de Saint Pierre et Esprit de Gloria). Les précipitations tartriques ne gênent pas vraiment les consommateurs européens, mais elles sont peu tolérées sur les marchés asiatiques, qui signalent les dépôts dans les bouteilles. Donc on préfère sécuriser. Notre premier essai de SES remonte à 2013, et nous allons suivre l’évolution des vins traités pendant une bonne douzaine d’années.

 

En quoi consiste ce suivi ?

Nous gardons des échantillons depuis 2013 : ceux qui ont bénéficié de la SES et les témoins non traités. On observe et on goûte régulièrement. Je veux vérifier la stabilité, bien sûr, mais aussi un impact éventuel sur le vieillissement et le côté organoleptique.

 

Verdict ?

Et bien pour le moment, le millésime 2013 stabilisé n’a pas bougé.

Comme le traitement entraîne une légère diminution du ph dont on ne connaît pas l’impact organoleptique, nous faisons des dégustations triangulaires à l’aveugle avec des professionnels du vin. Sur 6 années, le vin non-stabilisé est sorti en tête de la dégustation quatre fois, le vin stabilisé deux fois. Ce qui fait que l’on ne peut pas se prononcer aujourd’hui.

 

Si la stabilisation éco-sélective n’existait pas, vous feriez comment ?
Je pense que nous aurions renoncé à stabiliser, parce que les autres techniques sont un peu dures avec les vins rouges. Et puis le froid, ce n’est pas cohérent avec notre démarche environnementale : c’est très énergivore.
Quand je discute avec les anciens du vignoble, ils me disent que dans le temps, il y avait moins de dépôts dans les vins parce que les hivers étaient plus rigoureux. La réalité, c’est qu’il ne fait plus assez froid pour une stabilisation naturelle.

 

Si la stabilisation éco-sélective était autorisée en bio, vous l’utiliseriez ?

Oui, bien sûr. Je pense que c’est le traitement le plus adapté, le moins brutal, le plus durable pour stabiliser. Il y a une chose qui peut déplaire aux puristes : la légère modification du ph. Il faut discuter, expliquer, rassurer. Changer le nom de cette technique, cela peut améliorer les choses. Au fil de nos dégustations à l’aveugle en comité de techniciens, j’ai vu des gens très réticents au départ commencer à changer de point de vue. Il y a un travail d’évangélisation à faire.